Le réalisateur canadien Matthew Rankin nous parle de son deuxième long-métrage, “Une langue universelle“, sélectionné à la 56e Quinzaine des Cinéastes, un film abstrait, cocasse, architectural, humain, où tout le monde parle farsi à Winnipeg et où circulent des dindes et des ânes.
“Le film est un mélange entre trois langages cinématographiques. Il y a un langage iranien, qui est inspiré du studio Kanoun (qui a produit des films de Jafar Panahi): l’idée était de raconter l’histoire à travers le prisme de ce langage-là, mais de faire un espèce de métissage avec le cinéma québécois, un cinéma plutôt gris, plutôt austère, plutôt mélancolique, et le cinéma winnipégois, et là on parle de surréalisme et d’absurde, donc je dirais que ce n’est ni l’un, ni l’autre, mais un métissage des trois (…) On est vraiment au centre du diagramme, là où tous les éléments s’enchevêtrent, et ça c’est un espace qui m’intéresse beaucoup, dans la vie et dans le cinéma. C’est sûr que la solitude fait partie de notre expérience humaine, et il y a aussi des espaces où l’identité se compose de plusieurs identités, un espace beaucoup plus fluide qui est entre les frontières, et ça c’est l’espace qui m’intéresse beaucoup, et c’est là-dedans que le film se déroule.”
Une “hallucination autobiographique”, selon son auteur Matthew Rankin: “Dans ma démarche, je m’intéresse beaucoup à la forme autobiographique : la plupart de mes courts-métrages ainsi que mon premier long sont des biopics, comme on dit en anglais, et là j’expérimente un peu avec la forme autobiographique, mais je trouve que la mise en image de la réalité est toujours une espèce de rêve, même si on essaie d’imiter la réalité et en faire un simulacre qui est totalement crédible. Même là, il y a toujours un côté magique, un côté rêve. C’est pour ça que me mettre en scène, c’est toujours une démarche très frauduleuse, comme dans Close-up d’Abbas Kiarostami, où Hossain Sabzian fait une imitation frauduleuse du cinéaste Mohsen Makhmalbaf, et je vois vraiment ma propre imitation de moi-même comme étant tout aussi frauduleuse. Une imitation de la réalité c’est toujours un rêve, en cinéma.”
“Ici à Cannes, on a beaucoup fait la comparaison avec le cinéma scandinave (Roy Andersson, Aki Kaurismäki…), et ça c’est intéressant pour moi : ça voudrait dire que Winnipeg + Téhéran + Montréal = Helsinki ! Donc c’est peut-être le finlandais qui est la langue universelle, finalement.”
Plot
"Afin de revoir sa mère malade, l’introverti Matthew quitte Montréal où il travaillait pour retourner dans son Winnipeg natal. L’espace-temps paraît bouleversé dans cette comédie absurde et pince-sans-rire : bizarrement, tout le monde parle persan dans l’isolée métropole canadienne. Et voyez : deux enfants se lancent dans une quête à la Kiarostami, en mettant notamment à contribution Matthew. Une déclaration d’amour à la culture iranienne, mais aussi une méditation sur le curieux espace, géographique et mental, que représente le Canada, ce géant insaisissable."