La réalisatrice Agathe Riedinger nous parle de “Diamant brut”, le seul premier long-métrage (donc également candidat à la Caméra d’or) à concourir cette année pour la Palme d’or de Cannes.
Agathe Riedinger sur le questionnement sur la télé-réalité à l’origine du film : “J’éprouvais un besoin très fort de m’interroger sur ce divertissement qu’est censé être la télé-réalité, qui n’a en fait pas la légèreté qu’on pourrait attendre, parce que c’est un divertissement qui est fabriqué à partir de et qui véhicule des valeurs telles que l’hypersexualisation de la femme pour créer du divertissement, qui alimente la culture du viol, qui alimente le consumérisme, dans lequel on peut voir une impunité 100 % réelle concernant le harcèlement ou les agressions sexuelles. Donc il y a (dans cet univers de la télé-réalité) une violence très forte dont je voulais qu’on parle et que je voulais qu’on regarde… En réfléchissant aux raisons qui font qu’on a envie d’en faire, aux motivations des candidats, j’ai pu constater que pour ces candidats, qui sont majoritairement issus des classes populaires, c’est, paradoxalement, aussi une alternative au chômage et le moyen d’avoir accès à un statut social et à cocher les cases de la réussite telle que la définit la société capitaliste sous laquelle on croule. Il y a quelque chose de très ambivalent dans cette reconnaissance que les candidats éprouvent...”
“Je suis également fascinée par cette représentation de la féminité, qui est tout a fait singulière, de laquelle se dégage beaucoup de puissance, et qui moi m’a interrogée sur la beauté. Je me suis demandé (je me demande toujours d’ailleurs, je n’ai pas de réponse) si ces femmes sont le fruit d’une injonction patriarcale vieille comme le monde, qui suppose qu’une femme n’est vraiment une femme que si elle est désirable ou si au contraire, comme des millions de femmes avant elles, ces candidates ne portent pas une autre forme de féminisme en ayant renversé ses injonctions et en utilisant cette beauté comme une arme pour s’imposer, pour s’émanciper, pour se revendiquer…”
Sur le personnage central: “Pour inventer Liane, je me suis inspirée de multiples candidates de télé-réalité, mais aussi du parcours de Liane de Pougy, de La Belle Otero, de La Païva… C’est vraiment un portrait général du parcours de ces femmes“.
“C’est un personnage qui est complètement déconnecté de ses émotions et qui s’est enfermée derrière l’image qu’elle a pu fabriquer. C’est aussi un personnage de notre époque, donc une femme qui subit la pression de la tyrannie des images et de la tyrannie de la beauté, qu’on ressent tous à travers les réseaux sociaux – cette exigence d’être toujours mieux que l’autre, mieux que soi-même hier, de toujours grimper grimper…“
Plot
Liane, 19 ans, téméraire et incandescente, vit avec sa mère et sa petite sœur sous le soleil poussiéreux de Fréjus. Obsédée par la beauté et le besoin de devenir quelqu’un, elle voit en la télé-réalité la possibilité d’être aimée. Le destin semble enfin lui sourire lorsqu’elle passe un casting pour « Miracle Island ».