Emma Benestan nous parle de son deuxième long-métrage, “Animale“, choisi comme film de clôture de la 63e Semaine de la Critique.
Sur le fait d’avoir ancré l’histoire dans l’univers des manades et de la tauromachie en Camargue (après un premier long-métrage, “Fragile“, qui évoquait le milieu de l’ostréiculture à Sète) : “Mes deux films ont été réalisés à quarante, quarante-cinq minutes de là où j’habite, et je pense que ce sud auquel je suis très attachée, ma région, l’Occitanie, est tellement multiple et tellement dans un rapport à la nature qui me parle et qui me touche… Je pense toujours à une arène quand j’écris… Avant ça, j’avais fait deux documentaires en Camargue, et une résidence d’artiste, en Camargue aussi, qui a donné lieu à mon premier documentaire, et il était évident pour moi que j’avais envie de représenter ces traditions et le rapport à l’animal en interrogeant plein de choses d’un monde que je connaissais, et en même temps qui ne me semblait pas visible et que j’avais envie de mettre à l’honneur.
Sur la corporéité du film, qui est proche des peaux, de la sueur, de la respiration des humains comme des animaux : “Cette physicalité est très importante pour moi, en tant que sudiste aussi. (Je voulais rendre) cette chaleur, ce monde qui à la fois a une violence sourde, mais en même temps il y a ce soleil brûlant, qui tape tellement qu’on ne sait pas trop ce qu’on voit. Il y a du brouillard aussi dans le film. On a beaucoup travaillé les éléments avec le chef opérateur Ruben Impens, qui a une belle façon de travailler, qui dit toujours “less is more” : avec lui, on travaille beaucoup en lumière naturelle. On s’est fortement inspirés de “The Rider“, pour tout ce qui est de l’école visuelle du western. Notre envie, c’était de ne jamais perdre Nejma et d’être toujours dans un rapport au corps avec elle”.
Sur le choix de travailler de nouveau avec la comédienne Oulaya Amamra : “J’ai écrit pour Oulaya. Je l’avais en tête dès le scénario. Évidemment, quand je lui ai proposé, j’avais l’envie, très forte, qu’elle me dise oui tout de suite, mais je ne l’ai forcée à rien – parce que je n’ai jamais envie de forcer, j’ai envie que les choses soient évidentes ou pas. Mais elle a voulu tout de suite, et après on a construit ensemble, avec beaucoup de discussions en amont, et elle est venue cinq mois avant, quand même (ce qui est très rare pour les acteurs), et pendant trois mois, elle a fait des entraînements physiques. Toutes les semaines, elle avait deux ou trois entraînements, pour apprendre à grimper aux barrières ; elle a passé du temps dans les fêtes votives avec moi, elle est allée aux courses camarguaises, elle se questionnait, avec les garçons elle a été hyper généreuse, alors on a construit ensemble un rapport… Ce n’était pas évident, parce qu’on a cette fille dans ce groupe de garçons, et je ne voulais jamais qu’on se dise soit elle minaude, soit elle veut absolument faire le garçon manqué. En fait, je ne voulais pas du tout être dans toutes ces choses qu’on a déjà vues, de la fille dans le boys’ club. Je voulais me dire, non, c’est une fille qui ne se pose pas forcément la question, elle a tellement envie d’en être, d’avoir sa place… Du coup, comme c’est la seule femme, elle y va à fond, et je m’ identifiais à ça. Il est vrai qu’au cinéma, il y a de plus en plus de réalisatrices, mais quand je suis sortie de l’école, il y avait moins de réalisatrices et on se posait toujours la question de comment y arriver, comment avoir la même considération sur un plateau. Il y avait cette grande naïveté qui fait partie du courage de la vie je trouve, qui consiste à nier un peu les problématiques, de sorte que ces problématiques disparaissent, qu’il n’y a plus de misogynie ou de racisme. Sauf que parfois on se retrouve à les subir, malgré nous, et je trouve que c’est quelque chose que beaucoup de gens partagent dans la vie. C’est bien d’avoir cette belle naïveté qu’il ne faut jamais perdre, de ne pas partir avec des préjugés qui vont nous-mêmes nous malmener, mais parfois, on est renvoyé(e) à son propre sexe, à la culture dont on vient, et des fois c’est difficile, parce que ça n’arrive pas toujours au moment où on s’y attend…“.
Plot
Nejma (Oulaya Amamra) s’entraine dur pour réaliser son rêve et remporter la prochaine course camarguaise, un concours où l’on défie les taureaux dans l’arène. Mais alors que la saison bat son plein, des disparitions suspectes inquiètent les habitants. Très vite la rumeur se propage : une bête sauvage rôde…