Thierry de Peretti détaille avec nous quelques unes des richesses de son nouveau film, “À son image“, une oeuvre puissante et très subtilement écrite, présentée à la 56e Quinzaine des Cinéastes, qui suit dans tous ses mouvements, en l’accompagnant d’un travail assez éblouissant sur le son et la musique, le parcours et la réflexion sur l’image photographique d’une jeune femme corse dont l’histoire personnelle, formulée comme un destin, à partir de la fin, recouvre un pan d’histoire de l’île, la période la plus virulente de la lutte armée des indépendantistes corses.
“Le film pose la question de la révélation, de la résurrection. C’est aussi pour ça qu’Antonia ressuscite quasiment tout de suite, c’est assez christique en fait. Elle meurt, mais elle ressuscite cinq minutes après et ça c’est vraiment une des grandes beautés du cinéma : de pouvoir faire que elle est morte, et puis d’un coup elle n’est plus morte (…) J’aime beaucoup l’idée de Pasolini, qui considère la mort comme point de montage. C’est à partir du moment où la mort est arrivée qu’on peut commencer à relier les événements de la vie de quelqu’un et tout à coup lire la trajectoire (…), et ça, ça me plaît beaucoup, à la fois comme métaphore du cinéma et comme concept qui permet de décrypter ou de lire les existences.”
Sur l’émancipation d’Antonia à travers une réflexion sur son métier de photographe : “Ce qui m’intéresse, c’est sa réflexion, sa recherche, sa pensée (sur la question), qui est percutée par des questions intimes, les questions politiques, les questions liées à la violence politique… Sa réactivité construit sa pensée : elle se sent, à un moment donné, instrumentalisée. Comme elle couvre de temps en temps les conférences de presse clandestines de ses amis qui ont embrassé la lutte armée, elle se rend compte que la photographie n’est là que pour valider quelque chose qui est de l’ordre du dispositif, de la mise en scène, donc quelque chose de complètement fou qui n’a rien à voir avec la réalité. Elle n’est en fait pas là pour documenter, elle n’est pas là pour être témoin, mais elle sert de courroie entre le journal pour lequel elle travail et ce que veulent les groupes politiques, or ça, elle le refuse : elle refuse d’être instrumentalisée.”
Plot
Adaptant un roman de Jérôme Ferrari, Thierry de Peretti revient sans didactisme sur l’histoire de la Corse de la fin du XXe siècle
à travers le destin d’Antonia, une jeune photographe de presse amoureuse d’un indépendantiste. Le film n’élude pas les impasses du nationalisme sans pour autant disqualifier la cause corse : il en saisit même délicatement, comme en sourdine, la singularité. C’est avant tout le formidable portrait d’une femme qui cherche sa voie propre.
Transcript
"À son image" retrace par fragments la vie d’Antonia, une jeune photographe de Corse-Matin à Ajaccio. Son engagement, ses amis, ses amours se mélangent aux grands événements de l’histoire politique de l'île, des années 1980 à l'aube du XXIe siècle. C’est la fresque d’une génération. (Pyramide Films)