PODCAST | Bénédicte Prot avec Sylvain George, réalisateur de Paris est une fête, un film en 18 vagues.
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Alors qu’il a déjà repris le projet sur Calais qu’il avait interrompu pour faire Paris est une fête – Un film en 18 vagues, Sylvain George rencontre Fred au Forum des images pour parler de ce beau documentaire, avant sa sortie française le 12 avril. Le cinéaste, écrivain et poète évoque la volonté de détournement de mots confisqués et d’élargissement derrière le titre du film, plonge dans la polysémie de la “vague”, avec ses naufragés et son ondulation perpétuelle dont émergent parfois des courants nouveaux, des gestes changeurs. Interrogé sur la beauté captivante et éminemment immersive, pour l’esprit et les sens, de la forme qu’il a choisie pour montrer une réalité connue, qu’on n’a pourtant jamais sentie comme ça – c’est-à-dire sur son travail soigneux sur l’image, le son, le rythme, et la belle alternance entre “hyperlieux” et interstices -, le filmeur explique comment le jeu avec la plasticité du médium cinématographique a épousé sa démarche de témoin, et permis le téléscopage de scènes, événements, de symboles, d’actes et gestes de réappropriation individuelle et critique (et de manières de filmer tout cela depuis les débuts du cinéma), tout en restituant, dans ce foisonnement, un positionnement de cinéaste. Car on ne peut ignorer l’oeil qui nous guide dans cette expérience qu’est Paris est une fête, un oeil qui sait voir la joie, les “fêtes de l’imaginaire”… Dans un deuxième temps, après avoir décrit la seule scène imaginaire du film, avec sa primitivité existentielle, son ambivalence universelle, Sylvain George souligne la complémentariité des situations des réfugiés et manifestants qu’il filme, et de la signification de leur(s) geste(s). Il revient aussi sur la réalité des prises de vue au coeur de la bousculade des émeutes et manifestations qui ont secoué, après la communion post-13 novembre, la Place de la République, la perception de la caméra et de l’image (suspectes car tant instrumentalisées) et conséquemment, la position du cinéaste.
Paris est une fête, un film en 18 vagues: d’éclats lumineux en visages de pierre monumentaux et en scènes nocturnes du côté des campements parisiens de réfugiés, tandis qu’un paysage sonore conçu avec attention rythme ce magnifique parcours en noir et blanc, suggérant tantôt le décalage, tantôt un même élan, Sylvain George nous immerge dans un Paris impassible et foisonnant à la fois, au fil des vagues successives qui ont secoué le quartier de la Place de la République en 2015 et 2016. Entre deux déambulations poétiques en compagnie d’un jeune réfugié guinéen, Mohammed, un des nombreux « mineurs étrangers isolés » qui survivent dans les rues de Paris, le cinéaste place sa caméra au coeur violent des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, et dans cette tranquillité, et dans ce bouillonnement, il nous donne à voir un geste commun : un geste de résistance, d’existence, de réaffirmation par tous et chacun de sa liberté, avec tout ce que cela suppose de joie et d’ouverture aussi, sous les pavés.